Son appart - labo commençait à peine à être fonctionnel.

Il y a de ça déjà quelques mois que le périple avait commencé; les hivers devenant rudes même pour le Québec, les ressources commençant à se faire de plus en plus rares, Yannick avait pris la décision d'aller proposer ses services ailleurs, dans le Sud. Il était sans nouvelle de sa famille depuis un bon moment, de toute manière...

Il avait réussi à ramasser une bonne partie de ses économies afin d'acheter un passage sur un navire marchand qui quittait le port de Montréal; direction - New Orleans. Quelques abominations avait même attaquer le navire au détour de la Nouvelle-Écosse, mais repoussé par l'équipage. On se serait presque imaginé dans une histoire fantastique où un brave équipage pirate repousse des créatures marines mythiques !

En tout cas, c'était fini et c'est bien tant mieux ; le mal de mer commençait à être vraiment, vraiment déplaisant. Et tout ça c'était déjà terminé depuis quelques semaines, de toute manière.

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Après quelques discussions avec les hommes du Prévôt, j'ai réussi à leur faire valoir la valeur de mon boulot. Y'a plus beaucoup de gens qui se débrouillent bien pour bien entretenir et faire fonctionner de l'électronique, de nous jours.

Yannick ouvrit donc la fenêtre :
-"Quelle température de merde. Encore trop chaud, encore trop humide.

Je retourne donc vers l'intérieur de mon studio et continue à ranger quelques boîtes et établir mon atelier.

-Pourquoi tout les vieux allaient en Floride l'hiver? C'est dégueulasse, comme température."

Le silence répondit à Yannick. Son avantage par rapport à l'écho, c'est qu'il n'avait pas le dernier mot. Et de toutes façons, il y avait du bruit dehors : du passage, des conversations informes, étouffées par la distance.

Yannick avait à peu près la paix, ça lui permettait de s'installer tranquillement et de prendre ses marques dans son nouveau repaire. Le travail avançait correctement, et la journée était finalement agréable.

Puis une odeur lui parvint aux narines, par la fenêtre ouverte. Ça sentait le roussi. Les voix qui lui parvenaient plus distinctement lui indiquèrent que, selon toute vraisemblance, quelqu'un s'était installé sous ses fenêtres pour discuter, et fumer une cigarette, qui ne contenait d'ailleurs pas que du tabac. Ceci dit, même en tenant compte de cette hypothèse, les cigarettes avaient une odeur bizarre.

La conversation aussi était bizarre. Il y avait quelques éclats de voix, des rires ou ricanements pas spécialement rassurants, et des expressions pas non plus très civilisées. Du genre, "Il a pris cher...", "Il a bien gueulé le salaud...", "Faudra que j'fasse pareil à sa femme..."

Curieux de savoir ce à quoi les thug locaux s'amusent, je m'approche de ma fenêtre tout en continuant à déballer des babiolles des papiers journaux dans lesquels je les avais placés pour les protéger du transport.

J'en profite, au passage, pour hummer cette douce odeur de cégep qui s'infiltre chez moi. À Montréal, s'eût été la honte de couper ça avec du tabac... surtout que le leur semble spécialement mauvais.

Au courant de leur conversation, je jète un coup d'oeil furtif aux monsieurs au pas de ma fenêtre afin d'avoir une idée de leur apparence.

Ça sentait, le tabac, pour commencer. Et les herbes de Provence, pourrait-on dire. Signe que ce n'était d'ailleurs pas n'importe qui : qui avait du temps et de l'argent pour faire pousser du chanvre dans sa cave ? Mais ça sentait aussi autre chose. Le cochon grillé. Le méchoui ?

D'apparence, ils avaient l'air de militaires de pacotille, de policiers sur le retour. Treillis dépareillés, vieilles bottes, bracelets de cuir... Cliché ! Mais en même temps, ils avaient l'air trop sérieux pour que ce soit juste une mode. Quelques barres de fer aussi : ils cherchaient les ennuis. Leur conversation tendait d'ailleurs à penser qu'ils les avaient trouvés.

"Bon on s'est bien marrés quand même, mais l'autre s'est barré. Va falloir qu'on remette la main dessus.", déclara un des gars, provoquant un silence indiquant qu'il était sans doute bien placé dans la hiérarchie.
"Il n'ira pas bien loin... Il s'est fait dessus, il va se planquer dans un trou, on aura juste à mettre de l'essence, et... pouf... Comme les guêpes.", répondit un autre, provoquant quelques rires et ricanements.
"Dis pas de conneries ! Il y avait un béni avec, et on a pas intérêt à se faire gauler par ces monstres ou ces débiles de sauveurs du monde."
"Et tu crois franchement que c'est pas inflammable, un béni ?

De nouveaux rires...

Pris de curiosité quant à leur prochain mauvais coup, je me dis qu'il est grand temps de sortir les poubelles. J'attrape donc la poubelle, en sort le sac et me dirige vers l'extérieur afin d'aller le porter dans le conteneur le plus proche.

Je me prépare mentalement à placer un micro sur leur "chef" (à un endroit pas trop visible) et me munir d'une oreillette pouvant recevoir le signal envoyé par le dit micro.

Si les brutes me dévisagent, je les salue bien poliement et me tiens prêt à engager la conversation.

Sitôt Yannick en vue, les grossiers personnages la mirent en veilleuse, et jetèrent sur le sorteur de poubelles un regard patibulaire, mais presque. Ce qui était le plus choquant, dans l'histoire, c'est qu'ils n'avaient pas l'air si vieux que ça. Non que les vieux soient forcément des psychopathes meurtriers, mais des gens aussi jeunes, parler de ça avec autant de désinvolture... Et de près, ils sentaient encore plus le cochon grillé.

Le silence dura le temps que Yannick se trouve dans les parages, ce qui ne l'empêcha pas de placer un micro sur celui qui avait l'air le plus costaud du lot... Le silence dura le temps que Yannick soit là, et même encore un peu après. Puis ce fut finalement son oreillette qui lui donna des nouvelles :

"On se tire d'ici... Faut qu'on fasse notre rapport."
"J'ai hâte de retrouver l'autre déviant de mes deux. J'ai pas aimé ce qu'il a fait à Burt, je vais bien prendre mon pied à le cramer aussi."
"Ta gueule..."

Des parasites dans le signal informèrent Yannick qu'ils s'éloignaient.